Fermer les bars à chats
Il y a maintenant plusieurs années, nous étions quelques-uns à nous inquiéter de l'ouverture du premier bar à chats français (CLIC) dans le quartier du Marais, à Paris. La suite nous a donné raison puisqu'il a fermé boutique au bout de 3 ans, bradant les chats comme les meubles.
Depuis ce premier bar, plus d'une vingtaine d'autres ont fleuri dans l'hexagone, ouverts avec la plus parfaite légèreté par des personnes qui, dans leur immense majorité, ne possèdent aucune expérience du commerce, de la restauration, de la gestion d'entreprise... ou même des chats ! Ce qui explique vraisemblablement que, ce que ces entrepreneurs débutants ont prit pour la poule aux oeufs d'or, s'avère en fait être une longue suite de faillites annoncées et on ne s'étonnera donc pas qu'un quart de ces bars soient déjà fermés ou en grande difficulté financière.
Les tenanciers de ces bars se présentent comme des amoureux des chats, certains vont même jusqu'à prétendre faire oeuvre de protection animale en proposant à l'adoption des chats que des associations peu regardantes leur confient.
Vous me trouvez sévère ? Vous pensez que business et protection animale ne sont pas incompatibles ? Laissez-moi vous démontrer que les bars à chats sont simplement une nouvelle forme d'exploitation animale et pas une modernisation de la protection animale.
1. La vie dans les bars à chats ne respecte pas l'ethogramme du chat domestique
Analysons la liste des besoins des chats :
1. Le territoire : les chats sont des solitaires capables d’interactions sociales.
Là, le mot important est "solitaire". Les chats qui sortent peuvent éventuellement partager un territoire, les chats qu'on entasse en lieu clos sont contraints de subir la présence de leurs congénères.
2. La nourriture : le chat consomme 10 à 15 micro repas par jour, il doit donc avoir accès en permanence à sa nourriture, c'est faisable dans un bar.
3. La chasse : un chat qui ne sort pas doit vivre dans un environnement riche en stimuli.
Dans chaque bar, il y a (ou il devrait y avoir) une pièce strictement réservée aux chats. Cette pièce est généralement dénuée d’intérêt, souvent sans fenêtre puisqu'il est indispensable que les chats préfèrent se mêler aux clients que de s'isoler. Les stimuli sont donc volontairement absents.
4. l'exploration : un chat explore et marque régulièrement son territoire.
Il va sans dire que l'hygiène dont on doit faire preuve dans un commerce de bouche ne va pas du tout de paire avec le besoin qu'à le chat de marquer par des griffades et le dépôt de phéromones. De plus, la présence constante et encombrante d'inconnus gène considérablement ces rituels.
5. le sommeil : un chat dort jusqu'à 16h par jour et particulièrement l'après-midi. Les horaires d'ouverture des bars à chats (généralement entre 11h et 22h) couvrent très exactement la période où les chats sont les moins actifs, où ils ont besoin de tranquillité.
6. les comportements agonistiques (inter ou intra spécifiques) :
Là, c'est clair, les chats des bars ne peuvent échapper ni aux humains, ni à leurs congénères, ils n'ont donc aucun moyen de gérer les conflits et emmagasinent du stress.
7. la reproduction : sans objet, puisque les chats de bar sont forcément stérilisés.
Pour résumer, le SEUL besoin du chat domestique qui peut être correctement satisfait dans un bar à chats, c'est l'accès permanent à la nourriture...
Alors, qu'une asso, un refuge, une famille d’accueil détienne provisoirement trop de chats pour leur sauver la vie, c'est tolérable même si ce n'est pas recommandable mais qu'on ajoute sciemment à cette surpopulation le stress provoqué par les sollicitations permanentes de la clientèle dans un but strictement mercantile, ce n'est pas admissible et ce n'est en aucun cas faire preuve de respect de leurs besoins, besoins qu'on choisit de méconnaitre pour se remplir les poches.
2. Les chats ne peuvent pas réellement échapper aux sollicitations des clients
Dans tous les bars à chats de France, les chats sont censés disposer d'une pièce dans laquelle ils peuvent se retirer pour éviter la clientèle.
Cette pièce est interdite au public, ce qui semble judicieux puisque c'est le domaine privé des chats. En fait, cette interdiction permet surtout de faire passer des vessies pour des lanternes.
Les très rares photos de cette pièce que quelques très rares tenanciers ont publiées présentent quoi ? Un réduit sans fenêtre servant à stocker les litières et les gamelles, dont l'aménagement est minimaliste et n'atteignant bien souvent pas les 9m² exigés pour être légalement une "pièce".
On ne s'étonnera donc pas que ces pauvres bêtes préfèrent encore subir les mains baladeuses, le bruit, l'agitation, que de se retrancher dans leur gourbi. Ce qui permettra aux tenanciers de prétendre que leurs petits larbins velus ont le choix alors que c'est un peu comme si votre patron vous disait en vous montrant l'image de gauche : "prends autant de pauses que tu veux, voilà la salle de repos".
3. Les clients en veulent pour leur argent
L'argument préféré des tenanciers de bar à chats tient en une phrase : "Oui, c'est vrai, certains bars sont détestables pour les chats, mais chez nous, c'est différent".
En fait, non, ce n'est pas différent d'un bar à l'autre, quelles que soient les règles de respect édictées, quelle que soit la volonté de les faire respecter, dans tous les bars à chats, les chats sont plus ou moins malmenés car la clientèle est la même partout. Je vous suggère la lecture de ces témoignages récupérés sur les sites et pages de plusieurs bars ainsi que sur TripAdvisor : Bars à chats
Soyons parfaitement clairs : les clients viennent pour tripoter du chat donc, soit le tenancier accepte les dérives, soit il se fout pas mal de son chiffre d'affaires, or, n'oublions pas qu'il s'agit d'un commerce et qu'un commerce doit permettre à celui qui le gère de gagner sa vie.
4. Un bar à chat ne soutient pas les associations de protection animale, il les utilise
Tous les tenanciers de bars à chats prétendent évidemment être des amoureux des chats, certains mettent en avant le fait qu'ils recrutent leurs petits larbins dans des associations de protection animale.
Mais ces bars qui se fournissent dans des associations plutôt que chez des particuliers ou des éleveurs le font pour des raisons qui n'ont absolument rien à voir avec l'envie d'aider les animaux :
- le cheptel est illimité et le choix infini,
- les chats peuvent facilement y être testés pour leur ententes et leur sociabilité,
- les frais d'adoption représentent une somme dérisoire comparée à ce que coûterait la mise en règle de chats récupérés ailleurs,
- adopter en association permet de se donner une belle image de protecteur,
- le jour où on ferme la boutique, où un chat cesse de plaire, quand il faut renouveler le cheptel pour ne pas lasser la clientèle, on peut réexpédier les chats d'où ils viennent.
Bref, adopter en association c'est plus simple, moins cher, et très valorisant en termes d'image.
N'oublions pas que les bars à chats ne présentent que des animaux jeunes, beaux, sympas, sociables et pas des laissés-pour-compte. Vous ne trouverez jamais dans ces bars des vieux, handicapés, séropositifs même s'ils sont adorables, parce que ce n'est pas vendeur. Le chat est un produit d'appel, ni plus, ni moins.
Certains bars à chats se présentent aussi comme des "familles d'acceuil" exhibant des chats provenant d'associations partenaires et proposés à l'adoption, or, c'est illégal. Le bar doit être propriétaire des chats qu'il n'a pas le droit de faire adopter.
5. Les bars à chats renforcent l'idée de l'animal-objet
L'image véhiculée par ces bars est un désastre pour la protection animale car elle laisse à penser que :
- le chat est à la disposition de l'humain,
- tous les chats adorent être tripotés toute la journée mais, paradoxalement, on peut aussi les laisser seuls des nuits et journées entières,
- il est cohérent d'utiliser un animal (fut-il domestique) pour attirer des clients auxquels on prétend pourtant interdire d'avoir leur part de cette ronronthérapie qu'ils ont payé pour avoir,
- etc...
En gros, un bar à chats conforte les irresponsables dans l'idée qu'un chat est une peluche sans contrainte qui se satisfait tout autant de la sollicitation permanente que de l'absence de contacts, qui peut vivre en meute dans un espace minimal mais sera tout aussi heureux seul chez l'adoptant, que les phases de bruit et d'agitation alternées avec des phases de silence complet ne le perturbent pas, bref...
C'est un business, au même titre qu'un zoo, un cirque, un delphinarium, une animalerie.
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